Nicolas Engel

Idea(ls) on cybersecurity

Comment contourner la surveillance électronique de masse ? (2nde partie)

Dans une première partie, j’avais évoqué les impacts sur les individus que pouvait avoir la surveillance électronique de masse. Même méconnues, les solutions existent pour réduire son exposition personnelle aux services profilant nos usages. Les deux premiers piliers sur lesquels je me suis appuyé pour anonymiser mes données sont les suivants:

Ces solutions ne constituent pourtant qu’une partie de la réponse. L’étape la plus significative me permettant de contourner la surveillance de masse sur Internet fut de quitter Google.

Avant d’aller plus loin, une remise en contexte s’impose. Peu d’entreprise dans le monde ont révolutionné mon mode de vie comme Google a pu le faire. Et ceci alors même que je ne suis pas américain. La qualité de son moteur de recherche, la démocratisation de son webmail Gmail, le stockage des documents et leurs éditions dans Google Drive ou encore le service de géolocalisation Google Maps sont autant de services qui ont révolutionné mes usages. Je pourrais écrire un article entier sur Android, le système d’exploitation installé dans plus de 85% des smartphones dans le monde, que cela ne suffirait pas à rendre justice aux progrès que Google a insufflé dans nos vies. Profiler mes usages pour éviter que je débourse de l’argent pour l’utilisation de ces services m’est apparu légitime pendant longtemps.

Pourquoi avoir changé d’état d’esprit ?

Au fur et à mesure que mon niveau de vie a progressé, j’ai compris l’importance de la qualité des informations qui m’entouraient et que je consommais.

Être constamment abreuvé des mêmes thèmes empêche de s’enrichir de nouvelles perspectives et uniformise les points de vu.

L’algorithme de recommandation de Google se base sur les préférences de l’utilisateur pour lui recommander les sujets qu’il est le plus à même d’apprécier. C’est pour cette raison que les recommandations de vidéo sur Youtube finissent par toutes se ressembler. Cela réduit la diversité des points de vu et la pluralité des opinions.

Mais le véritable point de pivot fut ma compréhension que la mission de Google avait changé. De l’entreprise innovante et plurielle de ses débuts, elle s’est petit à petit transformée en une multinationale au service de ses actionnaires. Le fameux “Don’t be evil” des débuts fut progressivement remplacé par une vision centrée sur le profit économique. Les services rendus aux utilisateurs obéit désormais au traçage de leurs usages soit pour revendre les données, soit directement les partager aux gouvernements peu soucieux des libertés individuelles (en l’occurrence chinois).

En tant que Français, le fait de savoir que mes données (emails, documents Drive, contacts, déplacements sur Google Maps etc.) peuvent être librement consultées par les administrations américaines heurte mes convictions.

Ayant la chance d’être protégé par la RGPD réglementant l’usage de mes données en Europe, il est finalement illogique d’utiliser un service américain, qui rend caduc cette protection.

Enfin, choisir une alternative au monopole de Google, c’est affirmer les bienfaits de la diversité et favoriser la concurrence.

Comment dégoogliser ses usages ?

Ce processus consista à rapatrier mes données personnelles (emails, contacts, documents) de Google (Gmail, Google Drive) vers une solution auto-administrée.

Désirant retrouver la maîtrise de mes données, je ne voulais pas réutiliser une solution gratuite chez un autre fournisseur de services (Microsoft Outlook ou Yandex). J’ai donc opté pour l’achat d’un nom de domaine me permettant à la fois d’héberger mes emails ainsi que l’hébergement d’une solution de gestion documentaire open source – Nextcloud – pour remplacer Google Drive. La solution chez Infomaniak (petite pub gratuite) me coûte 100€ TTC / an. Sans être excessif, c’est le prix de ma liberté. Si on réfléchis plus longuement à ces 100 € dépensé, il s’agit probablement d’un montant équivalent que vous rapportez à Google chaque année en leur mettant à disposition vos données.

Une fois l’hébergement trouvé, il a fallu que je télécharge tous mes emails de Gmail (via le client de messagerie Thunderbird) pour les réimporter ensuite sur ma messagerie Infomaniak. Idem pour mes contacts Google. Cela m’a pris environ 1/2 journée de travail pour retrouver parfaitement mon arborescence des dossiers. Enfin j’ai redirigé de manière permanente mes emails reçus sur Gmail vers ma nouvelle adresse email.

Le plus complexe techniquement fut le passage de Google Drive vers l’instance Nextcloud. En téléchargeant l’ensemble des mes documents via le client léger Google Drive, il a fallu ensuite les ré-uploader avec le client léger Nextcloud sur mon instance personnelle. Rien d’infaisable techniquement mais pas vraiment à la portée du premier venu non plus.

Ma dégooglisation ne s’est pas arrêtée à ces solutions préalables.

Quel bilan est-ce que j’en retire ?

La migration technique m’a permis de démarrer une dynamique, qui a pris du temps.

Au final, ma dégooglisation fut-elle bénéfique ?

Je le pense sincèrement. Elle m’a permis de mieux comprendre la valeur de mes données et de me réapproprier son contenu (en faisant du tris lors de la migration des données).

Les solutions alternatives que j’ai trouvée satisfont mes usages. Il y a quelques compromis à réaliser lorsqu’on est comme moi un utilisateur de la première heure de Google mais au final rien d’insurmontable.

Les publicités et recommandation sur Internet m’apparaissent désormais moins ciblées et plus variées.

Le plus dur au final fut peut être la migration technique et la responsabilité engendrée de pouvoir perdre ses données en les hébergeant ailleurs. Une personne dont ce n’est pas le métier peut rapidement s’y perdre et se décourager. La barrière n’est donc pas tant financière que technique.

Ici réside un écueil majeur. Migrer de la simplicité d’une solution intégrée comme Google vers la multiplicité de solutions techniques peut faire perdre de vu l’objectif : les données n’ont de valeur que dans l’usage que l’on en fait et non dans les solutions qui les abritent.

Pour conclure, je citerai les mots de Périclès:

“Il n’est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage.”

Périclès

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